mardi 21 septembre 2010

Une bien triste nouvelle


Il avait prêté sa tête pour contenir tout le capharnaüm de Nodogs, une image qui illustre la couverture du numéro 7 autour du mot "Gourbi".
C'est ce même crâne qui vient de le lâcher, un AVC. Mohammed nous a quitté ce matin, mardi 21 septembre, dernier jour de l'été.
Alors, le coeur serré on dit au revoir à un membre de l'équipe, et à un ami.

L'équipe Nodogs

Pour ceux qui le connaissent, et pour ceux qui voudrait le découvrir, un peu.. Voici le texte qu'il avait écrit pour le numéro Gourbi.


Caravane de mon âme
Évolution d'un mot péjoratif vers une définition personnelle plus positive et laissant une porte grande ouverte à l'imagination...


Un espace gigantesque qui peut sembler sans fin. Ici, la chaleur règne en maître, le sable à perte de vue, entrecoupé d’espaces rocailleux. La vie sous toutes ces formes s’adapte aux conditions extrêmes. L’eau représente un trésor précieux à ne pas gâcher. Des femmes et des hommes, des nomades, traversent le Sahara d’oasis en oasis. Tous les points d’eau sur leur route leur sont connus.
Dans un espace comme celui-là, les frontières n’ont pas de sens. Le sable ne se soucie pas des limites créées par les hommes. Cependant, la colonisation a laissé des frontières, et imposé des règles de vie sédentaire à ces gens du voyage sahariens. Quand depuis des générations vous vivez sous tentes, sillonnant les étendues désertiques, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’architecture ne vous intéresse que peu !
Ainsi des villages nomades se constituent entre tentes et différents objets de récupération que crée le modernisme urbain : tôles, planches de toutes les tailles et autres détritus.
Le mot « gourbi » est créé avec un arrière-goût de prison volontaire, premier ancêtre des bidonvilles et autres favelas périurbains.
Le désert et ses mirages laissent la place à une vie désuète où ses populations doivent apprendre à oublier leurs identités… ?
De l’origine d’un mot à aujourd’hui, de l’idée matérielle d’un habitat à la conceptualisation mentale d’un état d’esprit, d’un souvenir d’enfance où ma mère me disait : « Ranges ton gourbi ! »
Dans nos cerveaux contemporains s’accumulent des souvenirs sonores, olfactifs et visuels. Abreuvés en permanence par le flot médiatique et par les nouveaux moyens technologiques (photos et caméras numériques qui permettent d’accumuler des milliers de souvenirs là où la pellicule ou la bobine limitaient les amateurs du fait du coût…). Nous devenons des disques durs sur pattes aux multiples casiers.
Le rêve et l’imagination venant compléter l’arsenal de nos facultés mémorielles !
Pour ma part je m’imagine souvent en cracheur de feu dévalant des escaliers sans fin, au retour de la bibliothèque, sise au sommet de la tour de Babel de mon âme évanescente. Les émotions passées et à venir rajoutent une dernière couche, si besoin était, à ce fatras sans nom qui compose mon gourbi mental…
Une princesse ressemblant à toutes ces femmes aimées se promène parfois et si je la perds parfois à l’horizon du désert de mon cœur, c’est pour mieux la retrouver au détour d’un mirage qui s’affine pour parfois devenir tangible.
Le mot gourbi comme il a été inventé, je ne l’aime pas. Mais la sonorité du mot, transformé à ma guise, et exprimant le chaos de ce lieu qui me sert d’outil à penser me plaît. Cela me laisse considérer que le vocabulaire même péjoratif peut devenir le fruit de notre imagination. Et se débarrasse ainsi du sens, que la réalité historique dans des conditions souvent obscures,  a imposé au plus grand nombre…

Mohamed

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